Flânerie en bord de rivière (sous l'égide d'Élisée Reclus)



"Dans nos écoles et nos lycées, nombre de professeurs, sans trop le savoir et même croyant bien faire, cherchent à diminuer la valeur des jeunes gens en enlevant la force et l'originalité à leur pensée, en leur donnant à tous même discipline et même médiocrité !
Il est une tribu des Peaux-Rouges où les mères essaient de faire de leurs enfants, soit des hommes de conseil, soit des guerriers, en leur poussant la tête en avant ou en arrière par de solides cadres de bois et de fortes bandelettes; de même des pédagogues se vouent à l'oeuvre fatale de pétrir des têtes de fonctionnaires et de sujets, et malheureusement il leur arrive trop souvent de réussir.




Mais après les dix mois de chaîne, voici les jours des vacances : les enfants reprennent leur liberté; ils revoient la campagne, les peupliers de la prairie, les grands bois, la source déjà parsemée de feuilles jaunies de l’automne, ils boivent l'air pur des champs, il se font un sang nouveau et les ennuis de l'école seront impuissants à faire disparaître de leur cerveau les souvenirs de la libre nature.




Que le collégien sorti de sa prison, sceptique et blasé, apprenne à suivre le bord des ruisseaux, qu'il contemple les remous, qu'il écarte les feuilles ou soulèvent les pierres pour voir jaillir l'eau des petites sources, et bientôt il sera redevenu simple de cœur, jovial et candide."


Rêverie au bord de l'eau


Extrait de Histoire d'un ruisseau, Élisée Reclus, 1869
Ouvrage disponible dans la collection Babel chez Actes Sud